“1984”, probablement le plus emblématique des romans dystopiques

Si l’on veut parler de romans dystopiques, on ne peut ignorer certaines œuvres absolument in-con-tour-nables 🤗

Je propose de vous présenter quelques unes de ces œuvres emblématiques du roman dystopique dans les billets de la catégorie Les incontournables… La liste n’est bien sûr pas exhaustive, il ne s’agit que celles que j’estime être parmi les plus marquantes. Et nul classement par ordre de préférence, juste une série de romans particulièrement notables selon moi.
Mais si vous pensez à d’autres titres dans le genre contre-utopies, ou souhaitez tout simplement apporter un autre regard sur le livre 👉 n’hésitez pas à les partager en commentaire en bas de page.

C’est parti 👍

La première de ces œuvres est sans aucune hésitation ZE roman dystopique par excellence dans l’esprit de la plupart des gens, et du mien. Déterminante pour le genre qu’est la dystopie parce qu’ayant inspiré bien d’autres auteurs par la suite, il s’agit évidemment de… (roulement de tambour  🥁 ) ⤵

ORWELL George. 1984 : nouvelle traduction. Paris : Gallimard, 2020, 400 p. (collection Folio)

 


👉 1984 : nouvelle traduction 👈

 

Le résumé : ce roman est paru en Grande-Bretagne en 1949. Il décrit un monde futuriste qui existerait trente-cinq ans plus tard,  en 1984 donc. Il s’agit d’un monde divisé en trois grands territoires, tous en guerre les uns contre les autres, et qui bataillent pour la possession d’une quatrième région composée d’esclaves. De ces trois ensembles de pays – l’Eurasia, l’Estasia et l’Océania – on ne découvre que le dernier qui vit sous le joug de la dictature du Parti unique (l’AngSoc). Le chef omniprésent et omnipotent de cette idéologie, le dénommé “Big Brother”, surveille de manière constante absolument tous les faits et gestes de ses sujets, jusqu’aux plus intimes.

L’administration de l’Océania est simplifiée à l’extrême et s’appuie sur un triptyque de slogans : « Guerre est paix », « Liberté est servitude » et « Ignorance est puissance. » Gouvernée par quatre ministères : celui de la Vérité (chargé de falsifier l’histoire), le ministère de la Paix (qui s’occupe de la guerre), le ministère de l’Amour (qui renferme la terrifiante Mentopolice, anciennement appelée Police de la Pensée), et celui de l’Abondance (qui crée des pénuries programmées). Les habitants de l’Océania doivent respecter l’autorité des quatre ministères, contraints de suivre en tous points les lois du Parti. À ce contrôle systématique s’ajoute un remodelage drastique du langage par le Parti, avec la création de la « novlangue », dont l’objectif est de simplifier la langue en épurant au maximum le vocabulaire à portée des gens.

Dans ce drôle d’univers teinté de terreur, la tâche de Winston Smith – un fonctionnaire du ministère de la Vérité – consiste à réexaminer les journaux de l’État et à détruire les éléments informatifs considérés comme nocifs pour constamment réécrire l’histoire. De par sa fonction, il va avoir accès à certaines vérités sous-jacentes, et en prendre note en cachette dans un carnet. Sa rencontre avec Julia, une jeune femme insoumise, va être le déclencheur. L’homme qui refuse de perdre espoir va ainsi devenir en son for intérieur un opposant au Parti, et ils vont tous deux tenter d’intégrer la Fraternité, une organisation ayant pour but de renverser Big Brother. Mais celui-ci veille…

 

 

Mon avis : on tremble devant les prophéties contenues dans cette utopie sombre mais à y regarder de plus près, la réalité a parfois déjà dépassé la fiction. En cette fin d’année 2020, on peut notamment lire que certains linguistes comme Aurore Vincenti ou sites internet comme Fastncurious s’extasient devant « l’orfèvre du verbe » Aya Nakamura (PIQUET Samuel. Aya Nakamura, nouveau prodige de la langue française ? [en ligne] Marianne, 24 novembre 2020. Disponible sur : https://www.marianne.net/culture/musique/aya-nakamura-nouveau-prodige-de-la-langue-francaise (consulté le 27 décembre 2020) ). Bouffées délirantes aiguës ou effets secondaires imputables aux deux confinements ? Espérons que ces assertions ne soient que le fruit d’une grande fatigue et non d’un véritable analyse, auquel cas sa pertinence serait selon moi très relative 😏

Trêve de plaisanterie, cette novlangue que d’aucuns tentent d’imposer par divers biais – comme peut l’être l’écriture dite inclusive – vérifie en tous points les écrits d’Orwell : « il n’y aura plus de mot pour le dire. » On arrive alors à des aberrations qui font frémir, telle cette publication sur la page Facebook du Planning familial : « Les règles arrivent au moment de la puberté, généralement entre 10 et 16 ans, chez les personnes qui ont un utérus. […] il est important de te renseigner sur les moyens de contraception et de t’en procurer pour ne pas tomber enceint.e sans l’avoir voulu » (PLANNING FAMILIAL. Page @ConfederationPlanningFamilial [en ligne]. Facebook, 26 décembre 2020. Disponible sur : https://www.facebook.com/ConfederationPlanningFamilial/posts/4000927659940898 (consultée le 27 décembre 2020) ).

À force de vouloir jouer la carte très tendance du « non-binaire », du « gender fluid », du « agenre », on tombe dans le ridicule le plus absolu. On le voit ici magistralement avec ce texte du Planning familial qui n’hésite pas à gommer littéralement le mot « femme », et tout ce qu’il englobe. C’est une façon radicale et bien réelle de supprimer la spécificité des femmes dans la société, de nier tant culturellement que biologiquement leur histoire et les discriminations qu’elles ont eu à combattre au fil des siècles. Cette dépossession des caractéristiques féminines et leur négation se font qui en parlant de « personnes qui menstruent », qui en sous-tendant l’idée qu’il est possible d’être « enceint ». Orwell lui-même n’était pas allé si loin dans sa fiction.

Dans un autre registre, deux extraits de 1984 qui font largement écho avec le grand retour de la dénonciation durant la crise sanitaire mondiale du Covid-19 :

« Pour les plus de trente ans, il devient presque normal d’avoir peur de ses enfants — peur fondée d’ailleurs car il ne se passe pas une semaine sans qu’on lise dans le Times un paragraphe évoquant un petit sournois — un « enfant-héros », ainsi qu’on les appelle — qui a surpris une remarque compromettante en écoutant aux portes et dénoncé ses parents à la Mentopolice. »

 

Plus loin dans le livre :

« Faute d’avoir pu abolir la famille, on encourage même les gens à aimer leurs enfants, un peu à l’ancienne, en quelque sorte. En revanche, les enfants sont systématiquement dressés contre leurs parents, qu’on leur apprend à espionner pour dénoncer leurs déviances le cas échéant. »

 

Comme le soulignait cet article LARMAGNAC-MATHERON Octave. Le grand retour de la délation ? [en ligne] Philosophie magazine, 22 octobre 2020. Disponible sur : https://www.philomag.com/articles/le-grand-retour-de-la-delation (consulté le 27 décembre 2020), il règne actuellement une atmosphère pesante de délation dans nos sociétés, parfois même encouragée par nos gouvernants eux-mêmes. Celle-ci, mâtinée d’une couche de  bien-pensance n’est pas sans rappeler l’Océania.

La dictature de la pensée unique telle que mise en scène dans ce livre menace nos libertés. Winston Smith vit dans un monde de négation permanente de la réalité objective :

« Le Parti annoncera que deux et deux font cinq et il faudra bien l’accepter. Il le fera tôt ou tard, la logique de sa position l’exige. Ce que sa philosophie nie tacitement, ce n’est pas simplement la validité de l’expérience mais l’existence même d’une réalité extérieure. L’hérésie suprême, c’est le sens commun. »

 

Et l’on peut là encore faire un parallèle avec une forme d’auto-censure qui sévit depuis quelques années, venant tempérer les formules toutes faites qui voudraient que « la parole se libère ». Des minorités se font plus importantes qu’elles ne le sont et distribuent bons et mauvais points sur Twitter notamment, au gré de leurs envies. Et ces ayatollahs de la pensée autorisée parviennent à faire la pluie et le beau temps, exactement comme la Mentopolice le fait dans 1984. Amenant tantôt l’actrice Zoe Saldana à s’excuser publiquement de n’être pas « assez noire » pour incarner Nina Simone, tantôt l’auteure J.K. Rowling à se défendre d’une accusation de transphobie pour avoir osé écrire que « seules les femmes avaient leurs règles » 🤯

Qu’est-ce qui pousse des gens à questionner de manière si virulente la légitimité d’autres au prétexte que leurs mots, leur identité, leur couleur de peau, leur origine ne cadrent pas avec l’idée qu’ils se font d’un sujet donné ? L’acteur Viggo Mortensen, lui aussi, en a fait les frais : attaqué sur la toile pour son premier long-métrage dans lequel il incarnait un homme homosexuel, alors que certains ne lui en accordaient pas ce droit.

Tout ceci mis bout à bout démontre que nous vivons incontestablement déjà, par certains aspects et non des moindres, dans le onde orwellien terrifiant qui a fasciné des générations entières de lecteurs.

Vous l’aurez compris, 1984 est pour moi un livre des plus remarquables. La portée philosophique du monde inquiétant de Georges Orwell est immense, et sans nier la dimension politique de l’ouvrage, son récit demeure par ailleurs une superbe œuvre de fiction. À lire absolument !

 

🏷️ L’œuvre en 5 mots-clés : 1984, Orwell, Big Brother, novlangue, Mentopolice

 

Cette publication a un commentaire

  1. Sybille

    Bonjour,

    Et merci pour cette présentation de « 1984 ». C’est un livre dont j’ai toujours entendu parler, sans jamais oser le lire! Grace à vous je crois que je vais sauter le pas.

    Prenez soin de vous

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