Inutile de vous présenter ce monument du roman dystopique… mais je vais quand même le faire ! Après tout, c’est un incontournable qui le vaut bien 😚
Raymond Douglas alias Ray Bradbury publie pour la première fois en 1953 (1955 pour la version française), Farhenheit 451, que je hisse au même rang que l’emblématique 1984 d’Orwell ⤵
BRADBURY Ray. Fahrenheit 451. Paris : Gallimard, 2000, 224 p. (collection Folio SF)
👉 Fahrenheit 451 👈
Le résumé : 451 degrés Fahrenheit est la température à laquelle le papier s’enflamme au contact de l’air. Le titre du billet résume bien la société décrite par ce roman : il est interdit de lire, la possession de livre est illégale, et les pompiers ont désormais pour mission de brûler tout livre restant. L’Homme est aliéné par les écrans, dans l’incapacité de réfléchir par lui-même.
Dans ce monde futuriste morne et vide de sens, nous suivons la trajectoire de Guy Montag, un pompier dont la vie va basculer. Après la rencontre avec une mystérieuse jeune fille, il commence à réfléchir, une chose pourtant prohibée dans cette société.
Il va alors enfreindre les lois, dissimuler des livres épargnés par le feu, et de ce fait acquérir des outils réflexifs sur sa vie et celles de ses concitoyens. Montag va braver les interdits pour retrouver sa conscience et son esprit critique. Une lutte effrénée contre les autorités, qui le mènera bien loin de son métier de pompier et de sa vie bien rangée …
Mon avis : Bradbury nous emmène ici dans un monde où les livres sont strictement interdits, et si par malheur quelqu’un en détient encore, les brigades de pompiers sont envoyées sur les lieux afin d’y mettre le feu. Fahrenheit 451, c’est une société composée d’hommes et de femmes semblables à notre monde, mais où se sont développées de nombreuses spécificités effrayantes : l’existence de robots limiers électroniques, le remplacement de la « famille » par des écrans télévisés, des gadgets de contrôle des populations (les « coquillages », radios intra-auriculaires), la réduction de l’éducation à son strict minimum (suppression de tous les enseignements susceptibles d’amener à penser) etc.
« C’est un chouette boulot. Le lundi brûle Millay, le mercredi Whiteman, le vendredi Faulkner, réduis-les en cendres, et puis brûle les cendres. C’est notre slogan officiel »
En bref, une société déshumanisée, ou l’amour, la communication, la forge d’une opinion ont disparus. Seule une vérité subsiste : celle de l’Etat, officielle, promettant aux individus d’atteindre le bonheur. Selon les autorités, le bonheur s’atteint par la consommation de masse (la vente d’un président, et même de la guerre !). Mais il se trompe, c’est un bonheur inconsistant, et cela mènera d’ailleurs à la perte du système.
Comment une telle société a pu naitre ? Par la culture de masse bien-sûr. Les gens se sont désintéressés des livres, et de la culture en général pour y préférer la télévision et l’achat de biens inutiles. C’est un cercle vicieux entretenu par le pouvoir politique, matraquant la population à coup de publicités et de besoins factices.
« On vit dans l’immédiat, seul le travail compte, le plaisir c’est pour après »
Guy Montag est un de ces pompiers pyromane. Ce dernier se rend rapidement compte qu’il n’est pas heureux. Même sa femme Mildred, obnubilée par les « télécrans » tente de se suicider au début du livre. Mais en tant que parfaits pantins dénués d’empathie, la vie continue ainsi.
« Le bonheur, c’est ça l’important. S’amuser, il n’y a que ça qui compte. Et pourtant je suis là à me répéter: Je ne suis pas heureux, je ne suis pas heureux. »
Mais Montag, en parlant avec Clarisse (une jeune fille faisant preuve d’intelligence, chose complètement inhibée et ce même chez les adultes dans ce monde), va avoir une réelle conversation. Ce sera la graine qui va faire germer chez le pompier une conscience individuelle et réfléchie. Il se demande ce que l’on veut tant cacher à la population, et que l’on trouvait avant dans les livres …
Il va vite le découvrir : le savoir et l’esprit critique comme liberté fondamentale, pouvant donner accès au bonheur. Penser par soi-même… Montag va progressivement en prendre le chemin, en dépit de la traque dont il fera l’objet et de la délation de ses proches. Il est aidé par d’autres individus, notamment Faber, qui lui explique (lui rappelle plutôt) pourquoi les livres sont censurés :
• « Ils montrent les pores et le visage de la vie » ;
• « Ils nécessitent du temps libre » ;
• Il faut avoir le « droit d’accomplir les actions fondées sur ce que nous apprend l’interaction des deux autres éléments ».
Montag va alors sortir de son état de léthargie, et ouvrir les yeux sur un monde ravagé par la violence, mais que personne ne voit, le nez trop proche de l’écran. Il va voler des livres, tenter d’en réimprimer, et finalement quitter la ville devenue trop dangereuse pour le criminel qu’il est devenu (en plus, ses collègues pompiers ont fait brûler sa maison).
Dans sa fuite, il rencontre des hommes-livres (des « couvertures de livres » comme ils aiment à s’appeler), vivant à la marge de la société. Il les rejoindra et fera partie d’une sorte de résistance, ou chaque homme mémorise le contenu d’un livre afin de conserver le flambeau de la réflexion critique dans une société aseptisée et policée.
« Les livres n’étaient qu’un des nombreux types de réceptacles destinés à conserver ce que nous avions peur d’oublier. »
Réaction à chaud
Pour moi, Fahrenheit 451 est un véritable chef-d’œuvre. Dépeignant une société terriblement glaçante et un régime politique totalitaire, ce roman permet un questionnement sur le bonheur, mais aussi sur la culture. C’est aussi un hommage à nos libertés individuelles, trop souvent considérées comme acquises, et qui au contraire doivent être choyées et entretenues.
Cette dystopie écrite en pleine Guerre Froide nous met en garde contre le totalitarisme, mais également sur les changements sociétaux que l’auteur voit se profiler, donnant à sa science-fiction des allures prophétiques sur certains points.
A l’heure du numérique et d’Internet, la question des savoirs est on ne peut plus présente. L’apparition du terme fake-news, la globalisation des marchés et donc de la consommation… Nous sommes loin du monde imaginé par Bradbury, mais il nous propose certaines pistes de réflexion applicable au notre.
Concernant le bonheur, si tout ce que l’auteur nous décrit en est un obstacle, il serait alors atteignable grâce à la nature, et non pas à l’artificiel et au virtuel. Il nous rappelle donc l’importance de se reconnecter avec les choses essentielles, en n’oubliant pas la différence entre plaisir et bonheur, ni celle entre plaisir divertissant et plaisir réel.
Vous l’aurez compris, chers lecteurs d’Internet, Fahrenheit 451 est un passage obligé pour tout amateur de dystopie, et pas que !
L’ouvrage a été adapté de multiples façons (B.D, pièce de théâtre, etc.), mais la plus connue est l’adaptation cinématographique en 1966 de François Truffaut (dont est extrait l’image ci-dessus), avec à l’affiche Oskar Werner, Julie Christie et Cyril Cusack. Malgré quelques libertés dans l’écriture du scénario, cela reste un classique du cinéma, que je vous conseille.
🏷️ L’œuvre en 5 mots-clés : Fahrenheit 451, Bradbury, autodafé, autoritarisme, aliénation