“Oms en série”, de Stefan Wul

Une fois n’est pas coutume, dans la catégorie des incontournables je vous présente un roman dystopique plutôt orienté jeunesse, mais qui peut avoir différents niveaux de lecture et tout aussi bien combler un public adulte ⤵

WUL Stefan. Oms en série. Paris : Castelmore, 2015, 264 p. (collection Dyslexie)

 


👉 Oms en série 👈

 

Le résumé : les hommes qui ont survécu au grand cataclysme ont été recueillis par les draags, des géants bleus aux yeux rouges. Ceux-là les ont ramenés en captivité sur Ygam, une planète sur laquelle le temps s’écoule bien plus lentement que sur Terra.

Asservis, domestiqués, ils sont progressivement devenus des oms sur la planète Gamay, des animaux de compagnie au service de leurs nouveaux maîtres. Ces lointains descendants dégénérés des êtres humains, sont aujourd’hui « le meilleur ami du draag » comme le dit l’expression consacrée. Ils vivent dans de jolies niches, et lorsqu’une ome met bas, on offre son petit à une autre famille comme on le ferait avec un chiot ou un chaton.

C’est ce qu’il advient de « Terr », un om parmi tant d’autres. Il sera le cadeau de Tiwa, une enfant draag de 7 ans (… et seulement 3 mètres de haut), qui le baptisera ainsi en guise de diminutif du nom « Terrible ». Tiwa est si heureuse d’avoir ce nouvel animal qu’elle ne se sépare plus de lui, il va alors l’accompagner dans toutes ses activités. Seulement quand la jeune draag apprend ses leçons grâce à ses écouteurs d’instruction, Terr, qui dort sur ses genoux, les apprend aussi…

Cet om se révèle unique en son genre : lorsque son collier magnétique le branche sur les ondes du casque pédagogique de sa petite maîtresse, lui ouvrant les portes de ce qu’aucun om avant lui n’avait encore effleuré : le savoir… Les parents de la jeune draag s’alarment de cette situation et lui interdisent de s’instruire en compagnie de Terr, qui parvient à s’enfuir. Il est recueilli par des oms sauvages que les draags considèrent comme des nuisibles. Mais les connaissances de cet om hors norme vont s’avérer très utiles dans la lutte pour la liberté.

 

 

Mon avis : à la consonance anglophone de ce nom – Stefan Wul – on pourrait logiquement imaginer qu’on a affaire à un auteur états-unien ou britannique. Erreur ! Figurez-vous que Stefan Wul est l’un des pseudonymes de Pierre Pairault, un écrivain français (cocorico 😄)
Je précise que j’écris « l’un des pseudonymes » parce que que l’auteur usait d’au moins un autre nom d’emprunt : Lionel Hudson…

Pierre Pairault (l’un des géants de la science-fiction francophone) a donc écrit et publié Oms en série sous le pseudo de Stefan Wul, en 1957. La version que je vous propose est parue en 2015 dans la collection Dyslexie des éditions Castelmore, destinées à rendre accessibles les livres aux personnes touchées par ce trouble neurodéveloppemental.

Le livre s’ouvre sur les jeux d’une petit fille draag qui apprend qu’elle va pouvoir aller choisir un animal de compagnie : l’ome des voisins a mis bas de non pas d’un petit om, mais de deux. Ainsi, notre protagoniste avait un jumeau (ou une jumelle !? On ne connait pas son sexe…) à la naissance.

« — Ils sont de race pure ? s’étonna Praw. Tu sais, Tiwa, c’est un beau cadeau que tu reçois du voisin Faoz !

— Mais non, ça me fait plaisir pour Tiwa ! Lequel choisis-tu, Tiwa ?

La petite avança la main.

— Je peux les toucher ?

— Attention, la mère pourrait mordre. Laisse-moi te les montrer.

Faoz déplia sa membrane et caressa les cheveux blonds de l’ome. Celle-ci gronda un peu, du fond de la gorge.

— Allons, allons, la calma son maître. Sois sage, Doucette. Je ne veux pas leur faire de mal. Je vais te les rendre aussitôt… Tu comprends ?

Il prit les deux jumeaux en disant :

— Elle est intelligente et affectueuse, mais ça les rend toujours un peu hargneuses d’avoir des petits. C’est l’instinct !

Il posa un petit dans la main tendue de Tiwa. Le bébé se tortilla comme une petite grenouille en agitant deux minuscules poings fermés. Une goutte de lait coulait de sa bouche braillante et édentée.

— Qu’il est mignon ! admira Tiwa. »

 

Sur cette planète, les oms sont devenus des animaux de compagnie qui sentent, grognent et peuvent mordre. Très prisés des draags, des géants humanoïdes bleus parvenus à un haut degré de civilisation.

« Elle sauta sur place en faisant claquer ses membranes axillaires. Elle chantonna :

— Un petit om ! Un petit om !

Puis, soudain plus sérieuse :

— C’est la bête que je préfère !

Les deux draags sourirent.

— Et pourquoi ?

— Parce que ça peut parler, ça peut même nager quand on leur apprend.

— Oui, mais assez mal… Eh bien ! nous allons laisser notre voisin tranquille. »

 

La « petite bête » arriva chez Tiwa et sa famille âgée de quelques mois seulement.

« Quand le petit om choisi par Tiwa fut assez grand pour marcher seul, on le sépara de sa mère. Le voisin Faoz exigea que cette séparation fût progressive, car il était bon et aimait les bêtes. »

 

Sa jeune maîtresse en est folle : elle l’a constamment avec elle, comme une peluche. Terr dort sur elle lorsqu’elle étudie, comme le ferait un chat qui ronronne sur nos genoux alors qu’on travaille ou qu’on lit. Mais voilà, Terr est d’une intelligence supérieure 🧠 Il assimile lui aussi les connaissances inculquées à la petite draag.

Les parents de Tiwa s’en aperçoivent quand Terr récite spontanément des leçons entières… Sentant le danger dans cette situation tout à fait anormale, ils interdisent à Tiwa de le faire participer à ses séances d’instruction.

Les oms ne sont pas seulement diminués par rapport aux draggs, ou esclavagés par eux ; ils sont véritablement redevenus des animaux. Domestiques, dans le cas présent :

« — Terr ! Viens chercher un sucre ! »

 

Comprenant très vite qu’il a tout intérêt à cacher ses connaissances aux draags, le jeune Terr continue de s’instruire et s’échappe finalement en volant les écouteurs d’instructions de Tiwa. Il se retrouve dans un parc peuplé de bandes d’oms sauvages, et découvre que tous les oms ne sont pas serviles : ceux-là vivent en clandestins et refusent la vie d’animaux de compagnie imposée par les géants bleus. Aidé par Brave, Vaillant et Charbon, Terr va se faire à la rudesse de la vie des oms sauvages, qui doivent se cacher et voler matériel et nourriture aux draags pour réussir à survivre.

C’est grâce à sa maîtrise de la lecture qu’il sauve les bandes rivales du parc d’une « désomisation » organisée par les draags. Tous se réfugient dès lors dans les ruines d’un ancien port. Ils vont s’allier pour créer une communauté d’oms libres dirigée par Terr qui va s’organiser et apprendre à utiliser la technologie jusqu’à former une ville souterraine d’un million d’habitants.

Comptant sur un important réseau d’espions domestiques, la rébellion est en marche !

« Edile avait chez lui deux oms de race noire, deux animaux magnifiques et débordant d’affection pour leur maître. Il n’arrivait pas à imaginer que les congénères de ses bêtes familières pussent présenter un grand danger pour les draags. »

 

Sous ses airs de roman jeunesse un peu simpliste, Oms en série narre l’histoire d’une guerre d’indépendance sans pitié qui marquera l’histoire des draags… et des hommes. Le roman part dans une nouvelle direction : les oms n’accepteront pas d’être ainsi réduits en esclavage ou chassés. Ils vont coloniser le vieux continent désertique de la planète Ygam, et se battre.

C’est un livre que j’ai lu pour la première fois à l’adolescence, ayant grandi avec le dessin animé mentionné un peu plus bas. Et j’ai toujours adoré ce bouquin, le trouvant riche et bien moins enfantin qu’il n’y paraît dans les thèmes abordés.
A mes yeux, une superbe dystopie, bien que parfois un peu bancale. J’en conviens.

 

 

A noter qu’Oms en série a été adapté en film d’animation au cinéma en 1973 sous le nom de « La Planète sauvage » et que film a reçu le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes la même année et le prix Saint-Michel à Bruxelles en 1974 🥇

 

🏷️ L’œuvre en 5 mots-clés : Oms en série, Wul, Draags, Terr, Ygam

 

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