Quand un incontournable tombe dans le domaine public

George Orwell (Éric Blair, de son vrai nom) publie 1984 il y a soixante-douze ans. Ce roman dystopique de légende est entré dans le domaine public le 1er janvier 2021.

Cela n’aura pas échappé aux éditeurs qui pour célébrer cela et, avouons-le aussi, pour surfer sur cette aubaine, positionnent trois adaptations BD / romans graphiques (par ordre de date de parution) ⤵

1️⃣ NESTI Fido, ORWELL George. 1984. Paris : Grasset, 2020, 224 p.

 

ex-aequo 2️⃣ COSTE Xavier Coste, ORWELL George. 1984. Paris : Sarbacane, 2021, 226 p.

 

ex-aequo 2️⃣ DERRIEN Jean-Christophe Derrien, TORREGROSA Rémi. 1984 : d’après l’œuvre de George Orwell. Paris : Soleil, 2021, 120 p.

 

Une traduction plus fidèle à l’original

Par ailleurs, les éditions Gallimard ont choisi en 2018 de rééditer 1984 dans une nouvelle traduction, assurée par Josée Kamoun, avec l’ambition affichée de…

« restituer la terreur dans toute son immédiateté mais aussi les tonalités nostalgiques et les échappées lyriques d’une œuvre brutale et subtile, équivoque et génialement manipulatrice. »

 

Puis en mai 2020, cette nouvelle traduction parait en livre de poche, dans la collection Folio de Gallimard (par ici, vous trouverez ma présentation de l’œuvre). Soulignons que jamais depuis sa première parution en français par Amélie Audiberti en 1950, le roman n’avait bénéficié d’une nouvelle transcription.

Les slogans du Parti sont largement plus fidèles à ceux du texte anglophone. Ainsi l’étrange « L’amour c’est la haine » qui n’existait que dans la version française du livre – totalement absent du roman orwellien – est désormais remplacé par « Ignorance est puissance », bien plus cohérent avec  le « Ignorance is strength » de la version originale.

Autre changement : « Big Brother vous regarde » devient « Big Brother TE regarde », ce qui met véritablement le lecteur au cœur du récit. De même que l’imparfait laisse sa place au présent pour intensifier encore la portée du récit 💪

 

Le néoparler remplace la novlangue

Je regrette amèrement que le terme « novlangue » ait disparu au profit du « néoparler. » C’est d’autant plus dommageable que ce mot était véritablement entré dans le langage courant. A ce titre, il me semble qu’il aurait été plus judicieux de le conserver ; cela n’aurait assurément rien enlevé au côté glaçant de 1984.

Car je pense que ce livre est plus que jamais d’actualité. De la surveillance généralisée à la fuite des données personnelles, sans oublier la dénaturation / la destruction fanatique du vocabulaire, force est de constater que les mots d’Orwell « Ce fut la fin de la vie privée » résonnent très fort ces dernières années dans notre quotidien.

Illustration de ce sentiment par un phénomène de masse qui a touché les États-Unis d’Amérique : une semaine après l’Inauguration Day du 20 janvier 2017, c’est à dire l’investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche, le roman de George Orwell se classait parmi les best-sellers sur Amazon.com (BROICH John. Pourquoi le roman « 1984 » et la réalité de 2017 ont peu en commun [en ligne]. The conversation, 1er février 2017. Disponible sur : https://theconversation.com/pourquoi-le-roman-1984-et-la-realite-de-2017-ont-peu-en-commun-72224 (consulté le 28 décembre 2020) ).

De mon point de vue, cette nouvelle traduction est bienvenue et intéressante. J’ai pris grand plaisir à la découvrir. Pourtant, jamais cette joie d’être plus en accord avec les mots d’Orwell n’a compensé la frustration de voir la novlangue supprimée de cette nouvelle édition 😞

 

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